Un dessin inédit en forme de ricordo par Hyacinthe Rigaud et son atelier
Catalogue concerné : III. Catalogue des dessins / Dessins d'attribution certaine
Catégorie : Dessins finis en forme de ricordi en relation avec des portraits
Nature de la mise à jour : création de notice
Numéro supplémentaire au catalogue : DS.2
Fig. 1 : Hyacinthe Rigaud et atelier, Portrait d'un jeune homme, vers 1690-1695, collection particulière
(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés
NOUVELLE NOTICE
DS.2 Jeune homme inconnu
Pierre noire, estompe, rehauts de blanc, mise au carreau par dessus le dessin, sur papier bleu. H. 29,5 ; L. 24 cm.
Coll. part.
Hist. : Exécuté par Rigaud et son atelier vers 1690-1695.
Notre modèle, pour lequel on ne peut proposer, en l'état actuel des recherches, aucune identité de préférence à une autre, est représenté dans une attitude et selon un code vestimentaire tout à fait caractéristiques de Hyacinthe Rigaud.
Plusieurs éléments permettent d'avancer selon nous une datation vers 1690-1695 : la présence d'une colonne baguée qui cantonne à droite la composition, récurrente en ce début de carrière de l'artiste, même si on la retrouve comme une auto-citation dans des œuvres plus tardives ; la perruque, relativement basse et arrondie au sommet de la tête ; le jeu de texture et de recouvrement entre un justaucorps de soie à ramages et un manteau uni qui, barrant le corps en une grande diagonale, ne le dévoile que partiellement, ainsi que la mode du ruban en chaconne passé de part et d'autre du col négligemment ouvert, ces deux éléments se retrouvant chez Rigaud dans nombre de ses portraits de gentilshommes éclairés (Fig. 2), férus de belles choses, peints dans la décennie 1690.
Fig. 2 : Hyacinthe Rigaud, Portrait d'un jeune homme, vers 1690, localisation actuelle inconnue
(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés
La pose, corps de léger trois quarts vers la gauche et tête tournée à l'opposé, vers la droite, rappelle, par exemple, le portrait de jeune homme, peint vers 1687-1688 [1] dont le musée de Besançon conserve une réplique (Fig. 3) et qui reprend en l'inversant un parti pris général déjà adopté en 1685 pour l'amateur Pierre Vincent Bertin [2] (Fig. 4). On notera en outre que le geste de la main gauche tenant un pan du manteau dans notre dessin s'inscrit dans la filiation de celui de Bertin ou du jeune homme de Besançon, et qu'il servira par la suite de référence explicite à Rigaud lorsqu'il aura à peindre, entre autres clients, Jean Léonard Secousse en 1707 [3] (Fig. 5), puis en 1724 le financier Antoine Pâris [4] (Fig. 6).
Fig. 3 : Hyacinthe Rigaud et atelier, Portrait d'un jeune homme, vers 1687-1688, Besançon, musée des Beaux-Arts et d'Archéologie, inv. 896.1.148
(c) Besançon, musée des Beaux-Arts et d'Archéologie
Fig. 4 : Hyacinthe Rigaud, Portrait de Pierre Vincent Bertin, 1685, collection particulière
(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés
Fig. 5 : Hyacinthe Rigaud, Portrait de Jean Léonard Secousse, 1707, collection particulière
(c) Ariane James-Sarazin / droits réservés
Fig. 6 : Hyacinthe Rigaud, Portrait d'Antoine Pâris, 1724, Londres, National Gallery, inv. NG 6428
(c) Londres, National Gallery
Comme la plupart du temps chez Rigaud, nous avons à faire à un dessin très poussé et soigné, probable ricordo d'une oeuvre peinte. Le carroyage qui a été tracé au-dessus du dessin, donc a posteriori, pourrait avoir servi à faciliter soit la reprise de la composition au bénéfice d'un client postérieur qui aurait souhaité se faire peindre à l'identique, soit sa traduction par la gravure. Cependant, on ne connaît aucune gravure en relation avec notre dessin et le caractère un peu lisse, sans grande particularité physionomique, du visage serait de nature à suggérer que cette relative banalité a été sciemment recherchée par Rigaud, dans la mesure où dans ce type d'aides mémoire, principalement destinés à orienter le choix d'un modèle pour une pose conventionnelle et à guider l'atelier dans son travail d'emprunt, la ressemblance compte moins que le scrupule mis à noter composition et vêture. La formule ici retranscrite dut connaître une certaine fortune, puisqu'on la retrouve, au prix d'un changement d'habit, dans un dessin de l'atelier de Rigaud conservé au Palais des Beaux-Arts de Lille [5] (Fig. 7).
Fig. 7 : Atelier de Hyacinthe Rigaud, Portrait d'un homme, vers 1695-1700, Lille, Palais des Beaux-Arts, inv. W 3184
(c) Lille, Palais des Beaux-Arts
D'un point de vue formel et autant que nous le permet l'image qui nous a été soumise (nous devons examiner sous peu la feuille de visu), il nous semble que le traitement de la lumière sur le visage, avec ces segments de blanc sur l'arête du nez, ces clairs halos au-dessous de l'orbite ou ces impacts diffus sur la lèvre ou le menton, présente à la fois une belle subtilité et beaucoup de fermeté, que l'on retrouve dans la perruque, bouclée d'un trait enlevé, dans la main, diaphane, ou encore dans les plis qui se creusent au niveau de l'aisselle. Il y a là une maîtrise et une souplesse propres au maître, qui tranchent le plus souvent avec le tracé plus sec de ceux de ses collaborateurs, notamment Charles Viennot (1674-1706), à qui revint le soin de le seconder dans la production de son oeuvre graphique. Par contraste, le dessin qui délimite les pans du manteau nous paraît plus raide dans sa recherche excessive de géométrie.
Notes
[1] Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), tome II : Le catalogue raisonné, Dijon, Editions Faton, 2016, n° *P.275, p. 98, repr.
[2] Ibid., n° P.92, p. 40-41, repr.
[3] Ibid., n° P.1028, p. 343, repr.
[4] Ibid., n° P.1413, p. 484, repr. ; voir aussi n° P.1346, p. 458, repr. et P.1441, p. 501, repr.
[5] Ibid., n° D.62, p. 605, repr.
Pour citer cet article
Référence électronique
Ariane James-Sarazin, "Un dessin inédit en forme de ricordo par Hyacinthe Rigaud et son atelier", Hyacinthe Rigaud (1659-1743). L'homme et son art - Le catalogue raisonné, Editions Faton, [en ligne], mis en ligne le 19 décembre 2017, URL : http://www.hyacinthe-rigaud.fr/single-post/2017/12/19/Un-dessin-inedit-en-forme-de-ricordo-par-Hyacinthe-Rigaud-et-son-atelier