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Le visage de la sainteté chez Rigaud ou la permanence de l'extase

Catalogue concerné : II. Catalogue des peintures autres que portraits / Peintures d'attribution certaine

Catégorie : Histoire religieuse

Numéro déjà catalogué : NP.8 (pages 576-577) et NP.11 (page 578)

Rubrique concernée : Œuvres en rapport

Nature de la mise à jour : ajout d'une oeuvre

 

Dans le catalogue de la vente Piasa du 6 décembre 2017, une belle tête de Saint Pierre [1] (Fig. 1), dans un ovale peint, sur sa toile et son châssis d'origine, a retenu toute notre attention.



Fig. 1 : Anonyme du XVIIIe siècle d'après Hyacinthe Rigaud, Figure de saint, collection particulière

(c) Piasa

Anonyme du XVIIIe siècle d'après Hyacinthe Rigaud, Saint Pierre, collection particulière


Nous l'avons immédiatement mise en relation avec une œuvre de composition comparable, passée en vente à Londres chez Sotheby's le 10 avril 2013 [2] (Fig. 2).



Fig. 2 : Anonyme du XVIIIe siècle d'après Hyacinthe Rigaud, Figure de saint, collection particulière

(c) Sotheby's

Anonyme du XVIIIe siècle d'après Hyacinthe Rigaud, Saint Pierre, collection particulière


L'une et l'autre méritent d'être rapprochées, comme nous l'avons proposé dans notre ouvrage pour la version Sotheby's [3], bien plus du morceau de réception dans le domaine de la peinture d'histoire - un Saint André jusqu'aux genoux - que Hyacinthe Rigaud consentit à remettre le 26 mai 1742, soit avec quarante-deux ans de retard, à l'Académie royale de peinture et de sculpture [4] (Fig. 3), que de son Saint Pierre de 1702 [5] (Fig. 4), dont nous avons montré qu'il dérivait d'un modèle créé par Guido Reni [6] (Fig. 5) et qu'il était également proche par son inspiration de la toile qui fut attribuée un temps à Jean-Baptiste de Champaigne, avant d'être rapprochée récemment de l'art de Jean Nocret [7] (Fig. 5).



Fig. 3 : Hyacinthe Rigaud, Saint André, avant 1742, Paris, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, inv. MRA 103 / MU 2624

(c) Paris, ENSBA

Hyacinthe Rigaud, Saint André, avant 1742, Paris, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, inv. MRA 103 / MU 2624


Fig. 4 : Hyacinthe Rigaud, Saint Pierre, 1702, Perpignan, musée d'art Hyacinthe-Rigaud, inv. 96.1.1.

(c) Perpignan, musée d'art Hyacinthe-Rigaud

Hyacinthe Rigaud, Saint Pierre, 1702, Perpignan, musée d'art Hyacinthe-Rigaud, inv. 96.1.1.


Fig. 4 : Guido Reni, Saint Pierre, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. 63

(c) Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage

Guido Reni, Saint Pierre, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. 63


Fig. 5 : Jean Nocret (?), Saint Pierre, 1663 ?, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 304

(c) Photo d'art Speltdoorn & Fils, Bruxelles

Jean Nocret (?), Saint Pierre, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 304


Au-delà de l'attitude extatique qui caractérise maintes figures religieuses chez Rigaud, de ses Christ à ses saints, les têtes de chez Sotheby's et Piasa reprennent non seulement la physionomie du Saint André de Rigaud, dont l'orbite oculaire est particulièrement creusée et les joues décharnées, mais encore le type de barbe qui semble séparée en deux sous le menton par une puissante virgule, ainsi que la chevelure moins fournie que celle du Saint Pierre et clairsemée sur le haut du crâne, ou la musculature du cou et du thorax.


Seule la vêture diffère, puisque si le Saint André de Rigaud est torse nu, nos bustes sont nantis à l'instar de son Saint Pierre, d'une tunique et d'un manteau. On remarquera toutefois que l'échancrure en V adoptée dans le tableau de Perpignan ne se retrouve pas dans les figures de chez Sotheby's et Piasa, qui optent à l'unisson pour un effet plus souple de revers et de plis, mais en adoptant une palette différente : la gamme de la version Sotheby's se rapproche, en les inversant, des tonalités ocre-orangé et blanc terreux du Saint Pierre de Perpignan, tandis que la version Piasa s'en tient à un bleu et à un marron plus conventionnels, que l'on retrouve tant chez Reni et Nocret que chez Rigaud, par exemple dans le Joseph de son Adoration des bergers [8] (Fig. 6). Cependant, la très grande proximité iconographique entre les saints proposés par Sotheby's et Piasa et leurs variations tant autour du Saint André que du Saint Pierre de Rigaud pose clairement la question de l'existence d'un prototype dû à Rigaud, aujourd'hui disparu, mais au succès bien réel (surtout quand on sait qu'aucune gravure ne semble avoir été tirée des deux oeuvres du vivant de l'artiste), dont ils dériveraient sous le pinceau d'artistes du XVIIIe siècle qui, du moins pour l'instant, doivent conserver avec prudence leur anonymat. L'examen imminent de la version Piasa nous permettra de préciser notre sentiment sur sa manière même et donc, sur sa paternité.

Fig. 6 : Hyacinthe Rigaud, Esquisse pour L'Adoration des bergers, vers 1687, Rennes, musée des Beaux-Arts, inv. 1998.9.11.

(c) Rennes, musée des Beaux-Arts

Hyacinthe Rigaud, Esquisse pour L'Adoration des bergers, vers 1687, Rennes, musée des Beaux-Arts, inv. 1998.9.11.

 

Notes

[1] Huile sur toile, H. 0,67 x L. 0,56 m, vente Paris, Piasa, 6 décembre 2017, lot 9, repr. (Ecole française du XVIIIe siècle, suiveur de Hyacinthe Rigaud).


[2] Huile sur toile, H. 0,70 x L. 0,48 m, vente Londres, Sotheby's, 10 avril 2013, lot 131, repr. (suiveur de Jean-François de Troy).


[3] Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Dijon, Editions Faton, 2016, tome II : Le catalogue raisonné, n° NP.11, p. 578.


[4] Ibid., repr.


[5] Ibid., n° NP.8, p. 576-577, repr.


[6] Ariane James-Sarazin, "L’inventaire après décès de Hyacinthe Rigaud", Bulletin de la Société d'histoire de l'art français, livraison de l'année 2007, p. 49-155 et "Hyacinthe Rigaud et l’Italie", La Peinture baroque en Méditerranée, de Gênes à Majorque, actes des journées d’études de Perpignan, 4-5-6 avril 2006 "La diffusion de la peinture baroque de Gênes à Majorque" rassemblés par Julien Lugand, Perpignan, 2010, p. 107-127.


[7] Voir Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Dijon, Editions Faton, 2016, tome II : Le catalogue raisonné, n° NP.8, p. 577.


[8] Ibid., n° NP.2, p. 573-574.


 

Pour citer cet article


Référence électronique

Ariane James-Sarazin, "Le visage de la sainteté chez Rigaud ou la permanence de l'extase", Hyacinthe Rigaud (1659-1743). L'homme et son art - Le catalogue raisonné, Editions Faton, [en ligne], 15 novembre 2017, URL : http://www.hyacinthe-rigaud.fr/single-post/2017/11/15/Le-visage-de-la-saintete-chez-Rigaud-ou-la-permanence-de-lextase










L'AUTEUR
Ariane James-Sarazin
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