Une tête d'homme pleine de feu
Catalogue concerné : I. Catalogue des portraits peints / Portraits d'attribution certaine
Période : Quatrième période (de 1699/1700 à 1709/1710)
Numéro déjà catalogué : PSI.2 (page 653) Nature de la mise à jour : réévaluation d'une oeuvre déjà cataloguée
Nouveau numéro : PS.12
Fig. 1 : Hyacinthe Rigaud, Esquisse pour le portrait d'un homme (un artiste ?), vers 1700, collection particulière
(c) droits réservés / Ariane James-Sarazin
RÉ-ÉVALUATION d'une OEUVRE déjà CATALOGUÉE
Dans l'attente de sa complète restauration, nous avions prudemment classé en 2016 cette belle esquisse parmi les œuvres d'attribution incertaine. Son examen de visu après restauration chez ses heureux propriétaires nous conforte dans l'idée qu'il s'agit d'une esquisse du maître pour le portrait d'un homme qui doit, pour l'instant, conserver son anonymat.
PS.12 [ex PSI.2] Homme inconnu
Ht. H. 0,45 ; L. 0,36.
Coll. part.
Hist. : Vente Paris, Drouot, Drouot estimations, 14 décembre 2015, lot 71, repr. (attribué à Rigaud) ; acquis à cette vente par les actuels propriétaires.
Bibl. : Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Dijon, Editions Faton, 2016, tome II : Le catalogue raisonné, n° PSI.2, repr. (Homme inconnu, portrait d'attribution incertaine).
La tradition voyait dans les traits de notre homme ceux du graveur Pierre Drevet (1663-1738), qui partagea l'amitié de Hyacinthe Rigaud, au point que celui-ci se représenta à l'arrière-plan du portrait qu'il nous a laissé du meilleur interprète de son oeuvre [1, Fig. 2].
Fig. 2 : Hyacinthe Rigaud, Portrait de Pierre Drevet, vers 1700, Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. A 2865
(c) Lyon, musée des Beaux-Arts / cliché Alain Basset
Cette identification se fondait notamment sur la mention d'un autre portrait, cette fois-ci de petites dimensions, censé représenté Pierre Drevet et donné à Hyacinthe Rigaud : ce portrait était en 1886 la propriété de Jules Augustin Poulot à Lyon [2]. Outre le fait que ses dimensions (H. 0,55 ; L. 0,46) comptent 10 cm de plus tant en hauteur qu'en largeur par rapport à la toile vendue en 2015 à Drouot, la description que nous en livre le catalogue de l'exposition universelle de Paris en 1878, à laquelle son précédent propriétaire, Charles Michel, autre amateur de la capitale des Gaules, l'avait prêté [3], empêche de l'assimiler à notre belle esquisse : "en buste, de face, tête tournée vers l’épaule gauche ; perruque ; vêtement à ramages, laissant voir la chemise ; ruban bleu autour du cou".
Par ailleurs, la comparaison entre la tête vendue à Drouot et le visage de Pierre Drevet, tel qu'il apparaît dans le tableau du musée des Beaux-Arts de Lyon [Fig. 2] n'est pas de nature à établir une parfaite ressemblance : la forme de l'arcade sourcilière, des yeux, du nez et de la bouche, ou plutôt du sillon naso-labial, semble bien différente.
S'il faut donc écarter l'identification du modèle avec Pierre Drevet, on peut en revanche émettre l'hypothèse que notre esquisse puisse représenter un autre artiste, mais on sait qu'un col ouvert est loin d'être l'attribut vestimentaire exclusif des seuls confrères de Rigaud, puisqu'il en use aussi pour peindre des financiers et des collectionneurs de haut vol... On se bornera donc, pour l'instant, à souligner la fraîcheur et la vérité des carnations, le naturel du traitement de la chevelure, l'aisance du pinceau, la vivacité de l'expression, la noblesse du port, si caractéristiques du maître, notamment dans l'orientation inversée et dynamique du visage et du buste que l'on retrouve, par exemple, tant dans les portraits contemporains d'un sculpteur inconnu [4, Fig. 3] et de Gabriel Blanchard [5, Fig. 4] que dans le morceau de réception de Rigaud à l'Académie représentant son ami Martin Desjardins [6, Fig. 5].
Fig. 3 : Hyacinthe Rigaud, Esquisse pour le portrait d'un sculpteur inconnu, vers 1700-1705, Berne, Kunstmuseum, inv. 977
(c) Berne, Kunstmuseum
Fig. 4 : Hyacinthe Rigaud, Portrait présumé de Gabriel Blanchard, avant 1704, château de Parentignat, collection marquis de Lastic
(c) Parentignat, château, collection marquis de Lastic / David Bordes
Fig. 5 : Hyacinthe Rigaud, Portrait de Martin van den Bogaert dit Desjardins, 1700, Paris, musée du Louvre, inv. 7511
(c) Paris, RMN-GP / musée du Louvre / Franck Raux
Notes
[1] Voir Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Dijon, Editions Faton, 2016, tome II : Le catalogue raisonné, n° P.702, repr. p. 237-238.
[2] Cité dans ibid., p. 237 ; Musée des portraits d'artistes, 1886, tome II, p. 35.
[3] Paris, 1878, n° 689.
[4] Voir Ariane James-Sarazin, op. cit., tome II : Le catalogue raisonné, n° P.693, p.234-235.
[5] Ibid., n° P.700, p. 236.
[6] Ibid., n° P.703, p. 238-239.
Pour citer cet article
Référence électronique
Ariane James-Sarazin, "Une tête d'homme pleine de feu", Hyacinthe Rigaud (1659-1743). L'homme et son art - Le catalogue raisonné, Editions Faton, [en ligne], 30 mars 2017, URL : http://www.hyacinthe-rigaud.fr/single-post/2017/03/30/Une-tête-dhomme-pleine-de-feu