Le portrait de Jean Antoine II de Mesmes, comte d'Avaux
Catalogue concerné : I. Catalogue des portraits peints / Portraits d'attribution certaine
Période : Quatrième période (de 1699/1700 à 1709/1710)
Numéro déjà catalogué : P.725 (pages 243-244) Nature de la mise à jour : ré-identification du prototype d'un portrait déjà catalogué
Fig. 1 : Hyacinthe Rigaud (et atelier ?), Portrait de Jean Antoine II de Mesmes, comte d'Avaux, entre 1700 et 1702, localisation actuelle inconnue
(c) Galartis SA /René Millet Expertise
Fig. 2 : Dos du Portrait de Jean Antoine II de Mesmes, comte d'Avaux
(c) Galartis SA / René Millet Expertise
Fig. 3 : Étiquette ancienne apposée au dos du Portrait de Jean Antoine II de Mesmes, comte d'Avaux
(c) Galartis SA / René Millet Expertise
RÉ-IDENTIFICATION du PROTOTYPE d'un PORTRAIT déjà CATALOGUÉ
Ht ovale. H. 0,82 ; L. 0,65 m. Inscription manuscrite en français sur une étiquette ancienne au dos de la toile : Avaux (Jean-Antoine de Mesme, Comte d') // Portrait peint par Hyacinthe Rigaud, // acheté à la vente de la galerie des // tableaux du Général Comte Despinoy, // inscrit au catalogue sous le n° 850. //
Localisation actuelle inconnue
Hist. : Inscrit dans les livres de comptes de l'artiste et commandé en 1700 (?), 1701 (?) ou 1702 (?) par le modèle pour 150 livres, soit un buste ; peint entre 1700 et 1702 ; livré en 1700 (?), 1701 (?) ou 1702 (?) ; coll. Hyacinthe François Joseph, comte Despinoy (1764-1848) ; sa vente, Versailles, 14-19 janvier / 4-9 février 1850, lot 850, p. 361 du catalogue ("Habit noir brodé d'or. Décoré du cordon bleu et de l'ordre du Saint-Esprit") ; vendu pour 91 francs ; coll. part. ; vente Lausanne, Galartis (expert : René Millet), 12 novembre 2016, lot 302, repr. (Hyacinthe Rigaud, Portrait de Jean Antoine II de Mesmes, comte d'Avaux (1640-1709), 1702, inscription au dos de la toile retranscrite en anglais) ; vendu.
Le 1er septembre 2016, Philippine de Saint-Roman du Cabinet René Millet Expertise, que nous voudrions ici remercier, sollicitait notre avis à propos d'un portrait qu'une étiquette ancienne identifiait comme étant le portrait de Jean Antoine de Mesmes, comte d'Avaux par Hyacinthe Rigaud. Bien qu'ayant pu sur simple photographie confirmer dès le lendemain cette assertion, nous n'avons eu la possibilité ni de l'inclure dans notre ouvrage qui partait alors à l'impression, ni de lui consacrer avant aujourd'hui un article, compte tenu des événements douloureux qui ont frappé notre famille et de la richesse de l'actualité rigaldienne en ces premiers mois de l'année 2017.
En effet, une rapide comparaison physionomique entre le tableau de l'ancienne collection Despinoy et le portrait de Jean Antoine II de Mesmes (1640-1709) par Nicolas de Largillierre connu par la gravure [Fig. 4] qu'en donna en 1691 Cornelis Martinus Vermeulen (ca. 1644-ca. 1708) oblige désormais à abandonner l'hypothèse formulée par Stéphan Perreau en 2012 selon lequel le portrait du comte d'Avaux devait être confondu avec le tableau proposé à la vente le 20 avril 2012 par Lawrences Auctioneers [1, Fig. 5]. Sollicités, nos collègues du département des Estampes et de la photographie, et plus particulièrement Maxime Préaud, conservateur général honoraire, à qui l'on doit, entre autres analyses fondamentales, un article éclairant et plein d'humour sur les incertitudes de la ressemblance [2] ont bien voulu lors d'une séance de travail commune, le 24 mars après-midi, en salle Labrouste, conforter nos impressions : pour l'essentiel, le nez court et aux narines évasées de l'homme de la vente Lawrences Auctioneers n'a rien à voir avec celui, long et légèrement bombé au niveau de l'os central, du comte d'Avaux, tout comme ses lèvres minces diffèrent de celles, charnues, de ce dernier.
Fig. 4 : Cornelis Martinus Vermeulen d'après Nicolas de Largillierre, Portrait de Jean Antoine II de Mesmes, comte d'Avaux, burin, 1691
(c) Paris, BnF, département des Estampes et de la photographie
Fig. 5 : Hyacinthe Rigaud, Portrait d'un récipiendaire de l'ordre du Saint-Esprit, vers 1690-1700, collection particulière
(c) droits réservés
Il serait en revanche téméraire de rattacher formellement le tableau de l'ancienne collection Despinoy à l'une plutôt qu'à l'autre des trois mentions des livres de comptes de l'artiste, relatives à Jean Antoine II de Mesmes, et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce que ces trois mentions concernent un portrait de même format - un buste, à 150 livres - inscrit à une année d'intervalle, coup sur coup : 1700, puis 1701, enfin 1702. Or il n'est pas rare que les livres de comptes mentionnent un seul et même portrait, une première fois lors de sa commande, une deuxième fois lors de son exécution effective et une troisième fois lors de son paiement et de sa livraison. En l'état actuel de nos recherches, nous ne pouvons pas dire si le comte d'Avaux commanda à Rigaud un (1700), deux (1700 et 1702) ou trois (1700, 1701, 1702) portraits différents. Ensuite, parce que l'ajout dans la mention de 1702 par rapport aux précédentes, de la charge de prévôt et de grand "maître des cérémonies des ordres du roy" à la suite du titre de "comte d'Avaux" pour désigner le modèle, n'est pas suffisante pour faire de la présence de la plaque et du cordon bleu du Saint-Esprit dans le tableau de l'ancienne collection Despinoy un indice décisif pour dater celui-ci de 1702, dans la mesure où le comte put s'enorgueillir de cette charge par survivance de son frère, le président de Mesmes, dès 1684... Pourquoi ces insignes, dont, à en croire le témoignage de Saint-Simon, Jean Antoine II de Mesmes était si imbu, n'auraient-ils pas figuré sur les portraits de 1700 et de 1701 ? Quant à l'habit de velours à brandebourgs et gros boutons dorés, très à la mode à la fin du siècle, il ne permet pas non plus de trancher, puisqu'il est comparable, non seulement à celui que porte en 1697 [3], puis de nouveau en 1699-1700 [4] Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy, mais encore à celui de Louis Nicolas Le Tonnelier, baron de Breteuil peint en 1700-1701 [5].
Reste à s'interroger sur le degré d'autographie du tableau de l'ancienne collection Despinoy. Comme le montrent les photographies de détails [Fig. 6 et 7] que nous avait transmis en septembre 2016 Philippine de Saint-Roman, la qualité du modelé dans les carnations (on remarque la petite humeur au ras de la paupière droite, caractéristique de Rigaud), la perruque ou certains éléments vestimentaires tels que la cravate de dentelle trahissent la main du maître. Faute d'avoir pu examiner la toile avant sa vente et dans l'attente de pouvoir le faire, nous demeurerons plus prudente en ce qui concerne l'essentiel de l'habit, car Rigaud avait l'habitude de confier pareille tâche à ses collaborateurs. Or les livres de comptes créditent en 1701 Adrien Leprieur (vers 1670-1732) de "l'habit de M[onsieu]r le comte d'Avaux", sans que l'on puisse dire si celui-ci intervint dans l'exécution du prototype ou de la réplique commandée pour 75 livres cette même année 1701. En revanche, le rendu du ruban bleu [Fig. 8] revient de façon assez évidente à un collaborateur, à moins qu'il n'ait fait l'objet d'une reprise postérieure, hors du contrôle de l'atelier : un examen de visu, ainsi qu'une éventuelle restauration devraient permettre, à cet égard, de préciser la nature du léger débordement bleu visible juste au-dessous de la plaque d'argent.
Fig. 6 : Hyacinthe Rigaud (et atelier ?), Portrait de Jean Antoine II de Mesmes, comte d'Avaux (détail), entre 1700 et 1702, localisation actuelle inconnue
(c) Galartis SA /René Millet Expertise
Fig. 7 : Hyacinthe Rigaud (et atelier ?), Portrait de Jean Antoine II de Mesmes, comte d'Avaux (détail), entre 1700 et 1702, localisation actuelle inconnue
(c) Galartis SA /René Millet Expertise
Fig. 8 : Hyacinthe Rigaud (et atelier ?), Portrait de Jean Antoine II de Mesmes, comte d'Avaux (détail), entre 1700 et 1702, localisation actuelle inconnue
(c) Galartis SA /René Millet Expertise
Notes
[1] Stéphan Perreau, "Ces gentilshommes de Rigaud", mis en ligne le 21 mai 2012, URL : http://hyacinthe-rigaud.over-blog.com : huile sur toile ovale, H. 0,81 x L. 0,63, vente Crewkerne, Lawrences Auctioneers, 20 avril 2012, lot 1797, repr. (entourage de Joseph Vivien, Portrait de Charles Gaspard Dodun). Nous nous étions rangés à cette hypothèse : voir Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Dijon, Editions Faton, 2016, tome II : Le catalogue raisonné, n° P.725, repr. p. 243. Contrairement à ce qu'indique son blog (on sait que les fonctionnalités de tels outils permettent d'antidater et de changer à tout moment la date d'une publication), l'article de Stéphan Perreau "D'Avaux versus d'Avaux : les portraits retrouvés de Jean-Antoine II et Jean-Jacques II de Mesmes par Hyacinthe Rigaud (URL : http://hyacinthe-rigaud.over-blog.com/2017/03/d-avaux-contre-d-avaux-le-portrait-retrouve-de-jean-antoine-ii-de-mesmes-par-hyacinthe-rigaud) n'a pas été publié le 23 mars 2017, mais le 25 mars 2017, comme en atteste l'alerte reçue par ses abonnés seulement ce jour-là. Outre le fait d'avoir rajeuni a posteriori le quantième de son article, l'auteur en a profité pour corriger la transcription qu'il avait donnée initialement en anglais, sur la foi du catalogue de vente, de l'inscription figurant sur l'étiquette au dos de la toile, après avoir pris connaissance de notre article et de la photographie de l'étiquette que nous avons publiée.
Ajouts de l'auteur du 27 mars 2017 : Stéphan Perreau ayant réagi par deux fois à notre note à la fin de son article sur Jean Antoine II de Mesmes, nous souhaitons répondre ici brièvement à ses différentes allégations.
1. Nous maintenons tout d'abord notre remarque relative à la date de publication de son article et à sa correction a posteriori, puisque de fait, cet article a d'abord été publié, sans état intermédiaire de "brouillon" (comme dans une messagerie électronique, un article enregistré comme brouillon n'est pas visible par l'internaute tant qu'il n'est pas publié), pour la première fois, le 25 mars, avant que sa date de publication ne soit modifiée dans la journée du 26 mars pour se muer en celle du 23 mars. Cette chronologie est attestée par l'envoi de ses propres alertes et la consultation qu'ont pu faire les internautes de son blog. L'article de M. Perreau porte désormais la date du 26 mars.
2. Si dans nos articles publiés sur ce site, nous ne citons pas systématiquement, pour chaque portrait évoqué, l'ouvrage publié en 2013 par Stéphan Perreau ou les articles qu'il a publiés sur son propre site entre 2010 et août 2016, c'est qu'en se reportant à notre ouvrage paru en 2016 (nous rappelons que notre site est dédié à l'actualisation de celui-ci et non à sa substitution sous forme électronique), le lecteur trouvera dûment cités dans chaque notice les écrits de M. Perreau (pour ses articles en ligne, nous avons pris la peine d'indiquer systématiquement l'URL, la date de publication et la date de consultation), comme, d'ailleurs, de tous les autres auteurs ayant écrit sur Rigaud. En ce qui concerne les articles publiés par M. Perreau depuis septembre 2016 (date de l'envoi à l'impression de notre ouvrage) et notamment en 2017, nous les citerons, comme à notre habitude, dans le récapitulatif des mises à jour de notre ouvrage auquel nous travaillons et que nous mettrons gratuitement à la disposition des lecteurs. Il nous est en revanche impossible quand nous écrivons un article sur notre site à un moment T de préjuger des textes que d'autres publient concomitamment ou publieront postérieurement. De même, comment pouvons-nous renvoyer en toute exactitude à un ajout que M. Perreau aurait effectué sur son catalogue en ligne depuis le 19 janvier 2017, dans la mesure où aucun de ses ajouts n'est daté et n'apparaît comme tel ? Nous remarquons enfin qu'il arrive à M. Perreau de ne pas se faire l'écho aussi rigoureusement qu'il l'affirme de certaines publications tel que notre article sur le portrait de M. d'Ortaffa publié le 15 février 2017, dans son propre article publié le 17 mars 2017 et que presque aucune référence à notre ouvrage de 2016 n'est, pour l'instant (?), reporté en bibliographie de chacune de ses notices dans son catalogue en ligne.
3. En ce qui concerne le portrait de Jean François, marquis de Noailles (P.226, page 81 de notre catalogue), quelques précisions utiles.
a) nous ne nous attribuons pas l'identification du portrait original, puisque nous citons en bibliographie de notre notice publiée en 2016 la notice que lui consacre Stéphan Perreau dans son ouvrage de 2013. Nous faisons seulement état de nos recherches personnelles qui se fondent sur le dépouillement des archives (qui ne peuvent être assimilées à de la simple documentation) de George Van Derveer Gallenkamp.
b) nous ne "travaillons pas en étroite collaboration" avec Franck Baulme. Franck Baulme est un ami de qualité, scrupuleux et attentif à ne pas divulguer certaines informations que propriétaires privés, collectionneurs, marchands ou chercheurs lui confient, ne serait-ce que pour préserver, par exemple, la primauté de découvertes.
c) le ré-entoilage du portrait du marquis de Noailles qu'évoque M. Perreau ne date pas du tout début du XIXe siècle, mais de l'extrême fin du XIXe siècle, comme en attestent les archives de George Van Derveer Gallenkamp qui conservent non seulement des échanges, mais également une image, faisant état d'une ancienne inscription.
4. Dans notre ouvrage de 2016, nous avons pris le parti de citer nos échanges avec les maisons de vente, les experts et les galeristes, dans la mesure où ceux-ci sont dûment conservés dans leurs documentations, la plupart du temps accessibles aux chercheurs, et qu'il est habituel dans les ouvrages scientifiques comme dans certains catalogues de vente un peu fournis de se faire l'écho, quand on les connaît, des communications écrites non publiées de tel ou tel.
5. En ce qui concerne les images de certains tableaux : comme nous l'avons indiqué dans notre article sur Jean Antoine II de Mesmes, l'ensemble des images relatives à ce portrait nous ont été fournies par le cabinet René Millet Expertise et Galartis SA dès le 1er septembre 2016, date à laquelle on nous a sollicitée pour donner un avis sur la toile. Pour les portraits de Joseph Horace de Rafélis (P.372, page 129 de notre catalogue) et de Louis Nicolas Le Tonnelier, baron de Breteuil (P.764, pages 253-254 de notre catalogue), nous nous sommes appuyés, comme nous l'écrivons dans nos notices, sur le dépouillement des archives de George Van Derveer Gallenkamp qui, lui-même, avait bénéficié de la documentation de Georges de Lastic. Nous remarquons, en outre, que certaines images, comme celles, entre autres, illustrant le P.837 de M. Perreau (avec le reflet en bas à gauche que les éditions Faton ont essayé d'atténuer à partir de l'image que nous a adressée le propriétaire) ou encore correspondant aux portraits originaux de Nicolas de Launay et de M. de Harling, appartenant à des amis très proches, sont tout droit extraites de notre ouvrage...
6. Nous en profitons pour apporter, entre autres choses, deux correctifs :
a) nous avons soutenu une première thèse consacrée à Hyacinthe Rigaud en 1995 à l'Ecole nationale des chartes (positions imprimées, consultables sur le site de l'Ecole), qui nous a permis de formaliser des recherches entreprises dès 1991 lors de notre entrée en chartes. Cette première thèse a été élargie par une seconde thèse soutenue en 2003 (et non en 2009 comme on le lit parfois) à l'Ecole pratique des hautes études. Au terme de 5 années, soit en 2008, celle-ci est devenue librement communicable sous forme de microfiches dans un certain nombre de bibliothèques universitaires, sans possibilité légale pour son auteur de s'opposer à sa consultation par un chercheur, ni nécessité, de ce fait, pour les bibliothèques dépositaires d'informer l'auteur d'une demande de consultation et de solliciter son autorisation préalable.
b) Pierre Rosenberg, qui a écrit la préface de notre ouvrage, ne faisait pas partie, comme on le lit parfois, du jury qui nous a attribué le prix Marianne Roland Michel en 2014. Notre jury était en effet composé, sous la présidence de Christine Peltre, professeur à l'université de Strasbourg et présidente du Comité français d'histoire de l'art, de Katie Scott, Reader, University College London, The Courtauld Institute of Art, de Philippe Bordes, professeur à l'université de Lyon, de Thomas Kirchner, professeur à la Johann Wolfgang Goethe Universität de Francfort et de Roland Recht, de l'Institut, professeur émérite au Collège de France.
[2] Maxime Préaud, "Le nez du maréchal de Turenne", dans le catalogue de l'exposition Visages du Grand Siècle. Le portrait français sous le règne de Louis XIV, Paris, 1997, p. 190-195.
[3] Voir Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Dijon, Editions Faton, 2016, tome II : Le catalogue raisonné, n° *P.542, p. 181.
[4] Voir Ariane James-Sarazin, ibid., tome II : Le catalogue raisonné, n° P.654, p. 223.
[5] Voir Ariane James-Sarazin, ibid., tome II : Le catalogue raisonné, n° P.764, p. 253-254.
Pour citer cet article
Référence électronique
Ariane James-Sarazin, "Le portrait de Jean Antoine II de Mesmes, comte d'Avaux", Hyacinthe Rigaud (1659-1743). L'homme et son art - Le catalogue raisonné, Editions Faton, [en ligne], 25 mars 2017, URL : http://www.hyacinthe-rigaud.fr/single-post/2017/03/25/Le-portrait-de-Jean-Antoine-de-Mesmes-comte-dAvaux